Stefan Swiezawski, 1907-2004 |
Commençons par dire quelques mots
de l’auteur, Stefan Swiezawski, qui sans être tout à fait inconnu en France,
n’y jouit pas d’une semblable estime qu’en son pays natal, la Pologne.
Né en 1907, Stefan Swiezawski a
enseigné durant trente ans l’histoire de la philosophie à l’Université
catholique de Lublin où il fut le recenseur de la thèse de doctorat de Karol
Wojtyla, devenu Jean-Paul II, avec lequel il entretiendra sa vie durant d'amicales relations.
Stefan Swiezawski, un grand médiéviste
Docteur en philosophie de
l'université de Lwow, maître de recherches au CNRS à Paris entre 1960 et 1965,
Stefan Swiezawski était un membre imminent de l'Institut international de
philosophie. Intellectuel catholique
engagé, ami tout autant que disciple d’Etienne Gilson et de Jacques Maritain, Stefan Swiezawski fut un auditeur laïc au
Concile Vatican II et reçu le message aux intellectuels de Paul VI.
Sans jamais se compromettre avec
la dictature communiste sous le joug de laquelle il vécut et écrivit, Swiezawski est parvenu à organiser la recherche en histoire de la philosophie
médiévale à l’Académie des sciences de Varsovie ainsi qu’à l’Université
catholique de Lublin et à faire collaborer les médiévistes de Varsovie et de
Lublin avec la section des manuscrits de la Bibliothèque Jagellonne.
Philosophe métaphysicien autant
qu’historien de la philosophie, Swiezawski a dédié son existence à l’étude de
l’histoire de la pensée médiévale et consacré de nombreux essais à cette
question dont une monumentale Histoire dela philosophie européenne au XVe siècle parue en huit volumes en langue
polonaise.
Fondé sur cette œuvre majeure que
Swiezawski qualifiait lui-même d’opus
vitae, le présent ouvrage en extrait la substantifique moelle. C’est en
effet à une tâche ardue que s’est attelé Mauriusz Prokopwicz, en condensant et en
adaptant ces huit volumes originaux sans rien perdre en érudition ni en
profondeur de vue. Une capacité de synthèse à l’origine d’une totale réussite
que Stefan Swieżawski ne manque pas de saluer dans l’introduction qu’il donna au présent ouvrage.
Une contribution essentielle à l’histoire de la philosophie
Le XVe siècle, à la charnière de
la pensée médiévale et de celles des premiers humanistes, est encore bien
souvent négligé par les historiens de la philosophie, parce que perçu comme une
période de décadence et de transition entre le Moyen Âge et les Temps modernes
inaugurés par la Renaissance, période dont il y aurait peu à dire. Ce livre
nous démontre brillamment le contraire en nous permettant de saisir ce qu’il y a
de spécifique dans la philosophie, la vie intellectuelle et la spiritualité,
les trois étant étroitement liés, du XVe siècle.
Sur la base d’une impressionnante
érudition, les divers champs de la pensée du XVe siècle sont étudiés un à un au
travers d’une réflexion philosophique et théologique tout autant
qu’historiographique. En ses trois parties, cet ouvrage parvient à nous
éclairer sur trois points essentiels : qu’elles sont les problèmes
philosophiques de l’Antiquité et du Moyen Âge, qui vivifièrent la réflexion des
savants du XVe siècle, en provocant querelles et tensions intellectuelles ? Quelle vision doit-on adopter quant aux grandes réflexions qui
ébranlèrent ce siècle ? Et enfin, quelles conceptions de l’être
et de l’univers dominent au XVe siècle ?
En somme, il présente au lecteur
toute la complexité des problématiques philosophiques, des attitudes
spirituelles multiples et des courants de pensée si divers qui caractérisent
cette époque. Il met en lumière la subtilité des débats intellectuels qui
occupèrent les grands penseurs du XVe siècle en explicitant les positions de
quelques figures majeures parmi lesquelles, Nicolas de Cues, Erasme, Marcil
Ficin ou encore Pic de la Mirandole.
La grande réussite de cet ouvrage
est sans aucun doute de traiter d’un sujet ardu sans exiger du lecteur qu’il
possède de préalables lumières sur ledit sujet. En effet, la grande érudition
et la fine capacité d’analyse de Swiezawski sont si parfaitement ordonnées,
mises au service de la clarté et de la concision, qu’elles offrent au lecteur
de découvrir un vaste et complexe pan d’histoire sans en éprouver aucune
difficulté mais, tout au contraire, en y prenant un constant plaisir.
G.M.
318 pages, 43 euros. |
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