Henri de Lubac s.j. 1896 - 1991 |
On ne présente plus Henri de Lubac.
L’importance de son œuvre, l’apport de cette dernière à la théologie catholique,
est depuis longtemps reconnue. Créé cardinal en 1983, Henri de Lubac fut un
homme discret mais influent qui dialogua avec nombre d’intellectuels ayant joué
un rôle important dans le développement de la pensée chrétienne au XXe
siècle : Teilhard de Chardin, Maurice Blondel, Jacques Maritain, Etienne
Gilson, Henri Irénée Marrou, Gabriel Marcel… Tous entretinrent des relations spirituelles
avec Henri de Lubac, tous reconnurent la profondeur de sa pensée. Il est celui
qui initia aux Pères de l’Eglises Hans Urs von Balthasar et Jean Daniélou et c’est
avec ce dernier qu’il fonda la collection « Sources Chrétiennes » aux
éditions du Cerf[1].
Au cours de sa longue existence[2],
Henri de Lubac écrira un grand nombre d’ouvrages[3]
et consacrera également beaucoup de temps à éditer avec un soin extraordinaire
quelques correspondances d’amis ou de relations. Il sera ainsi l’éditeur
scientifique de la correspondance de Maurice Blondel et Teilhard de Chardin et
de celle qu’échangèrent Gabriel Marcel et Gaston Fessard. En 1989, sur
l’insistance d’Hans Urs von Balthasar, Henri de Lubac se décida à publier son Mémoire sur l’occasion de mes écrits. Passionnant
témoignage et précieux viatique nécessaire à l’appréhension d’une œuvre et
d’une vie aussi vaste que riche.
Voici ce que le cardinal de Lubac
écrivit dans son Mémoire au sujet de
sa collaboration avec les éditions Beauchesne :
« Mon ami le Père Marcel
Régnier, infatigable directeur des « Archives de philosophie », dont
il a fait un centre de multiples relations humaines autant qu’intellectuelles,
avait ouvert en 1965 la nouvelle série de la « Bibliothèque des
Archives »[4] par la
correspondance annotée de Blondel et Teilhard de Chardin. Plus tard, il voulut encore publier quelque chose de
moi. C’est l’origine de Recherche dans la
foi (1979). L’ouvrage réunit trois études sur Origène, sur saint Anselme,
sur la philosophie chrétienne. Cette dernière reproduit, presqu’inchangé, un
article de 1936. Les deux premières sont des refontes considérablement
augmentées, de textes moins anciens. L’une commente une exclamation d’Origène
(empruntée à Jérémie) : "Tu m’as trompé, Seigneur !", l’autre, une
exclamation d’Anselme : "Seigneur, je cherche ton visage !", qui
m’ont paru valoir d’être scrutées, comme introduisant à une démarche de pensée
caractérisant chacun de ces deux grands esprits, et plus encore au mouvement
foncier de leur âme. Quelques lignes de l’avant-propos suffiront à montrer
l’intention qui m’a guidé dans cette publication : les deux cas d’Origène
et d’Anselme sont "propres à faire voir, à travers les différences de deux
époques aussi bien que de deux individualités, une parenté plus essentielle. Et
nous encore, « nous sommes de leur race ». Tous ceux que nourrit de sa
substance indéfiniment féconde une même grande tradition, sont frères." J’ai
donc tâché une fois de plus, en un temps où l’on voit et veut avant tout les
ruptures et où s’aggrave le risque d’une dissolution de la conscience
catholique, de communiquer le sentiment de l’unité dans un incessant
pluralisme. D’Origène, je cherche le principe de son exégèse, qui est aussi le
cœur de sa pensée. D’Anselme, j’observe le conflit entre la satisfaction
obtenue de l’intelligence et l’élan toujours insatisfait de l’âme, conflit dont
la solution s’exprime dans la formule dernière du Proslogion, trop rarement commentée : "majus quam
cogitari possit"[5]. »[6]
Pour en savoir plus,
il vous suffit de cliquer sur le livre ci-dessous:
[1] Fondée
en 1942, la collection compte aujourd’hui plus de 580 volumes. Pour découvrir
sa passionnante histoire, on se reportera à l’excellent ouvrage d’Étienne
Fouilloux, La collection "Sources
Chrétiennes". Éditer les Pères de l'Eglise au XXe siècle, éd. du Cerf,
2011.
[2] Concernant
la vie d’Henri de Lubac, on se reportera à la biographie que Georges Chantraine,
ami et disciple du cardinal, lui consacra aux éditions du Cerf. Trois volumes
ont paru sur les quatre initialement prévus, le père Chantraine étant décédé en
2010, avant d’achever son œuvre.
[3] Les
œuvres complètes du Cardinal de Lubac sont en cours de publication, sous
l’égide de l’Association internationale Cardinal Henri de Lubac, aux éditions
du Cerf. Le premier volume, Le Drame de l’humanisme athée, a paru en 1998. Pour
consulter le programme de publication des 50 volumes annoncés, il suffit de cliquer ici.
[4] La collection
Bibliothèque des Archives de Philosophie compte aujourd’hui 65 titres, toujours
disponibles aux éditions Beauchesne.
[5] La
formule complète de saint Anselme est la suivante : « Ergo, Domine,
non solum es quo majus cogitari nequit, sed es quiddam majus quam cogitari
possit » que l’on traduit de la sorte : « Ainsi, Seigneur,
Tu n'es pas seulement Tel que plus grand ne se peut penser, mais Tu es quelque
chose de plus grand qu'il ne se puise penser. » Notons que cette formule
de saint Anselme fut l’objet de réflexions du théologien protestant Karl Barth,
Saint Anselme. La preuve de l'existence
de Dieu, éd. Labor et Fides, coll. Lieux théologiques, n° 7, 1985.
[6] Henri de Lubac, Mémoire sur l'occasion de mes écrits, éd. Lessuis, coll. Présences, n° 1, 1989, p. 158.
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