La correspondance entre Gabriel
Marcel, philosophe préoccupé des choses de la foi et Gaston Fessard, théologien
féru de philosophie est riche à plusieurs égards. En premier lieu, parce qu’elle
restitue en partie l’atmosphère intellectuelle et religieuse de la période
quelle recouvre (1934-1971) et convoque nombres de personnalités qui la
façonnèrent : Jean Wahl[1],
Alexandre Kojève, Jean Daniélou ou Charles Du Bos. Parce qu’elle est
accompagnée d’une annotation précise, riche et documenté que l’on doit pour
bonne part à Henri de Lubac qui fut proche des deux hommes. Enfin parce qu’elle
donne à saisir deux personnalités complexes sous un jour privé[2].
Ces cent trente huit lettres
pleines de confidences définissent trente sept ans d’une amitié que l’on peut
sans mal qualifier de spirituelle. Converti en 1929, Gabriel Marcel fait de son
cadet Gaston Fessard, ordonné prêtre en 1928, son confident, pour ne pas dire
son confesseur. C’est lui qui affermit Gabriel Marcel lorsque ce dernier vient à
douter de sa foi, lui encore qui administre les derniers sacrements à
Jacqueline, l’épouse bien-aimée du philosophe, lui enfin qui le conforte dans
certaine décisions quant à son œuvre. Gabriel Marcel pour sa part
confirme Gaston Fessard dans sa qualité de penseur – « vous êtes
philosophe, c’est l’évidence même »[3]
–, est souvent son premier lecteur et l’aide à se faire publier.
En plus de ces questions intimes,
d’autres se posent ou plutôt, sont posées par une époque tourmentée :
l’avant-guerre, la débâcle, l’occupation, les déportations, la ligne de
démarcation, la résistance. Tout ici est vécu et éprouvé par deux grands
penseurs qui jamais ne faillirent à leur rôle d’intellectuel dans le siècle.
Lettre de Gabriel
Marcel à Gaston Fessard,
datée du 22 avril
1936.
Mon Père,
Je
ne puis résister à la tentation de vous dire que je viens de reprendre votre
livre, et que je suis submergé par l’admiration qu’il m’inspire. Il me semble
que dans la forme il a encore gagné, et ce qui est merveilleux, c’est à quel
point il nous rend évidente la vérité
de christianisme. La vérité, la vérité qui seule importe. Car il y a des moments
où rien d’autre qu’elle ne peut compter pour nous. C’est un livre qui changerait
quelque chose dans le monde si on le comprenait. Mais quand pourrai-je en
écrire ? Je suis dans un assez triste état et commence un gros rhume,
tandis que mon abcès se développe.
J’ai
été dimanche à la rue de la Source, j’ai communié. Cette matinée me laisse un
souvenir, comment dire ? irradiant.
Je vous dois cela aussi.
Je
ne puis en écrire d’avantage. Veuillez trouver dans ces quelques mots l’expression
de mon affection, d’une gratitude qui ne peut se dire…
G. Marcel
Pour en savoir plus,
il suffit de cliquer sur le livre ci-dessous:
[1] Au sujet
des relations entre ce dernier et Gabriel Marcel on se reportera au livre d’Emmanuel Levinas, Xavier Tilliette et Paul Ricœur, Jean Wahl et Gabriel Marcel, éd. Beauchesne, 1976.
[2] Si l’on
sait que Gabriel Marcel et Gaston Fessard eurent de nombreux correspondants, le
contenu d’aucune ou presque de ces relations épistolaires ne nous sont connues.
Seule la correspondance entre Gabriel Marcel et Max Picard est, à ce jour, publiée :
Gabriel Marcel et Max Picard, Correspondance,1947-1965, éd. L’Harmattan, 2006.
[3] Première
lettre de Gabriel Marcel adressée à Gaston Fessard, 21 avril 1934 in Gabriel
Marcel, Gaston Fessard, Correspondance,
éd. Beauchesne, 1985, p. 40.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire