Commentaire par Origène du Cantique des Cantique, manuscrit de Clairvaux du XIIe siècle. |
En 1977, Pierre Nautin faisait
paraître son Origène. Sa vie et son œuvre,
aux éditions Beauchesne. Ce volume inaugura la collection « Christianisme
antique » qu’il dirigea jusqu’à sa disparition, vingt ans plus tard. Ce livre qu’Henri
de Lubac, lui-même spécialiste d’Origène, qualifiait de « grand ouvrage »[1] fait encore aujourd’hui figure de référence.
La composition de l’ouvrage
respecte en tout point la méthode historique et littéraire établie Pierre Nautin
pour l’analyse des documents anciens. Une méthode qu’il exposait ainsi : «
[Elle] ne se contente pas de vraisemblance, mais cherche le vrai, dans toute la
mesure où il peut être connu. Elle consiste à poser devant chaque document et
chaque épisode ces deux questions préalables : 1- L’auteur est-il bien informé
? C’est-à-dire quelles sont ses sources de renseignement et que valent-elles ?
2- Est- il fidèle ? Reproduit-il exactement le contenu de son information ou le
déforme-t-il en fonction d’autres préoccupations. »[2]
Avant donc de se livrer à une
esquisse de biographie d’Origène, Nautin consacre dix chapitres à l’analyse
minutieuse des sources, à l’étude d’œuvres méconnues d’Origène et à
l’établissement d’une chronologie détaillée. L’immense érudition de l’auteur
est mise au service de son sujet avec une rigueur remarquable. Et l’on retrouve
ici le souci qui régit tous les travaux de Nautin : remonter à la source afin
de restituer les idées authentiques et dévoiler l’exacte teneur des textes en
excluant les travestissements et extrapolations dus aux commentateurs
successifs.
En 1979, Pierre Nautin publiera
avec Octave Guéraud – le découvreur des papyrus de Toura en 1941[3]
– un volume complémentaire à cette biographie, l’Homélie d’Origène sur la Pâque,
jusqu’alors inédite. Un troisième volume consacré à l'école d'Alexandrie, aux
maîtres d'Origène et à la genèse de sa doctrine aurait dû venir couronner cet
ensemble, mais il resta malheureusement à l’état de projet.
Un historien rigoureux
Disons maintenant quelques mots
au sujet de l’auteur. Né en 1914, Pierre Nautin reçut d’abord une formation
ecclésiastique au séminaire sulpicien Saint-Irénée de Lyon et soutint une thèse
à l’Institut Catholique de Paris. Il intègre l’Ecole Pratique des Hautes Etudes
en sciences religieuses où il sera l’élève d’Henri-Charles Puech et d'Alphonse
Dain. Entré au CNRS en 1946, Pierre Nautin deviendra directeur d'études à
l'EPHE en 1963, section des sciences religieuses. Il y assurera un séminaire
d’Histoire des dogmes jusqu’en 1982, date a laquelle il prend sa retraite.
Historien de haute culture,
Pierre Nautin fut également l’éditeur d’importants textes de l’antiquité
chrétienne. De 1951 à 1986, il dirigera l’édition, traduira et commentera huit
volumes de la fameuse collection « Sources Chrétiennes »[4]
aux éditions du Cerf. Ce qui ne l’empêchera pas, dans un même temps, de
sévèrement critiquer certains volumes paru dans cette même collection :
« Pour l'honneur de la patristique française, nous réclamons des
introductions plus substantielles, des textes mieux étudiés et des traductions
beaucoup plus précises. »[5]
écrit-il en 1950 au grand de Claude Mondésert qui, avec de Lubac et Daniélou,
fonda la collection[6]. La rigueur, on le constate, ne laisse aucune place au
compromis…
Après avoir consacré sa vie à la
littérature patristique et beaucoup œuvré à une meilleure connaissance de
l’histoire du christianisme ancien et des dogmes, Pierre Nautin mourut la plume
à la main, le 16 février 1997. Il achevait alors la rédaction de sa dernière
étude historique sur le noyau primitif des Evangiles synoptiques : L’évangile retrouvé. Jésus et l’évangile primitif.
G.M.
Œuvres de Pierre Nautin aux éditions Beauchesne :
(pour en savoir plus, il vous suffit de cliquer sur le livre)
[1] Henri de
Lubac, Recherches dans la foi. Trois études sur Origène, saint Anselme et la philosophie chrétienne, éd.
Beauchesne, coll. Bibliothèque des Archives de philosophie, 1979, p. 78.
[2] Pierre
Nautin, L'évangile retrouvé. Jésus et
l'évangile primitif, éd. Beauchesne, coll. Christianisme Antique, 1998, p.
X.
[3] Au sujet
des papyrus de Toura et de leur découverte
consulter : http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1946_num_131_1_5477
[4] On
pourra consulter ici la liste détaillée des contributions de Nautin : http://www.sources-chretiennes.mom.fr/index.php?pageid=collaborateurs&id=818&sourcepg=reimpression&idsource=37
[5] Pierre
Nautin, « Théophile d'Antioche. Trois livres à Autolycus », in Revue de
l'histoire des religions, année 1950, volume 138, numéro 2, p. 249.
[6] Pour en
apprendre plus à ce sujet, on se reportera
au passionnant livre d’Etienne Fouilloux, La collection « Source
Chrétiennes ». Editer les Pères de l’Eglise au XXe siècle, éd. Cerf, 2011.
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