La revue Dieu Vivant voit le jour au lendemain de la seconde guerre
mondiale. Elle se distingue tant par sa tonalité que par la remarquable qualité
et diversité de ses collaborateurs. Cette extraordinaire aventure
intellectuelle et spirituelle nous est aujourd’hui contée par Etienne Fouilloux
dans un ouvrage intitulé : Christianisme et eschatologie, Dieu Vivant, 1945-1955.
Quiconque s’intéresse à
l’histoire du christianisme français au XXe siècle connaît l’excellence des
travaux d’Etienne Fouilloux[1].
Dans le présent livre, il met en lumière la gestation, l’existence et la
disparition de la revue Dieu Vivant
dont, de 1945 à 1955, vingt sept numéros parurent aux éditions du Seuil[2].
« Les Cahiers Dieu Vivant naissent dans un temps qui fait songer aux pages les plus sombres : de l’Apocalypse par la violence et l’ampleur des cataclysmes déchaînés comme par l’atmosphère de mort spirituelle dans laquelle étouffe le monde. »[3]
Revue chrétienne à visée
œcuménique et imprégnée d’une tonalité eschatologique tout droit héritée de
Léon Bloy, Dieu Vivant réunira sous
sa couverture et sous le patronage du « très curieux Marcel Moré [4]»,
quelques-unes des figures intellectuelles les plus importantes de son temps, à
commencer par Jean Daniélou qui en fut la véritable cheville ouvrière. A
celle-ci on ajoutera la participation d’autres grandes plumes
catholiques : Louis Massignon, Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar,
Jules Monchanin ou encore Gabriel Marcel. Les protestants et orthodoxes ne sont
pas en reste, avec Karl Barth, Karl Jaspers, Oscar Cullmann ou encore Jacques
Ellul d’un côté et Léon Zander, Vladimir Lossky ou Paul Evdokimov de l’autre. Au-delà
du christianisme, les autres religions ne sont pas négligées : Massignon
fait là son œuvre d’islamologue tandis que Monchanin traite des religions d’Asie
orientale, et l’on retrouve deux textes
du grand philosophe juif Martin Buber au sommaire de Dieu Vivant.
« Le combat qu’il faut livrer aujourd’hui est d’abord spirituel. Ce serait lâcheté de s’y dérober. C’est pour ce combat que les cahiers Dieu Vivant groupe des hommes que rapprochent à la fois le goût des valeurs religieuses authentiques et le dégoût d’un certain christianisme dégradé qui a perdu don caractère de foi vivante pour n’être plus qu’une structure sociale. »[5]
Plus surprenant peut-être, la
présence récurrente de nombres d’intellectuels que l’on ne saurait qualifier de
« religieux » : Brice Parain, Pierre Klossowski, Pierre Leyris
ou Jean Hyppolite. Une étonnante diversité directement issue de la période de
gestation de la revue. Tout commence en effet en 1941. Marcel Moré réunit dans
son appartement le tout Paris intellectuel de ces années de l’occupation au
cours de « rencontres spirituelles ». On y voit défiler Raymond
Queneau, Michel Leiris, Jean Paulhan, Jean Wahl, Nicolas Berdiaev, Alexandre
Kojève, Albert Camus, Maurice Merleau-Ponty, Maurice Blanchot, Simone de
Beauvoir ou encore Georges Bataille et Jean Paul Sartre[6].
En quelques 170 pages, Étienne
Fouilloux parvient à ressusciter cet extraordinaire microcosme et à restituer
avec rigueur l’histoire de cette revue. L’auteur domine si bien son sujet que
ce livre, aboutissement d’une recherche débutée en 1969 et littérairement
inaugurée par un article[7]
en 1971, se lit d’une traite et passionne d’un bout à l’autre.
G. M.
Pour en savoir plus, il suffit de cliquer sur le livre ci-dessous :
[1] On lui
doit, notamment, une passionnante monographie sur La collection « Sources chrétiennes », éd. Cerf, 2011.
[3] Liminaire
non signé, Dieu Vivant, Cahier n°1 (2e
trimestre 1945), p. 5.
[4] Renvoi
au recueil qui lui a été consacré, « Le très curieux Marcel Moré », Digraphe, 86-87, automne 1998.
[5]
Liminaire non signé, Dieu Vivant, Cahier
n°1 (2e trimestre 1945), p. 5-6.
[6] Il est à
noter que ces deux derniers fonderont également une revue à une période
concomitante : Les temps modernes en
1945 pour Jean Paul Sartre et Critique en
1946 pour Georges Bataille.
[7] Pour
lire l’article paru dans la Revue de l’histoire de l’Eglise de France, il suffit de cliquer ici.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire