Lucien Laberthonnière (1860-1932) |
La crise moderniste, qui agita le
monde catholique au début du XXe siècle, est un épisode que l’on peut juger
regrettable, mais qui n’en demeure pas moins passionnant à bien des égards. Plusieurs
ouvrages remarquables ont paru qui permettent d’éclairer cette période
complexe.
On citera l’excellente Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste d’Émile Poulat et La crise moderniste de Claude
Tresmontant. Les éditions Beauchesne ont également publié quelques ouvrages au
sujet de cette crise née de « la rencontre brutale de l’enseignement
ecclésiastique traditionnel avec les jeunes sciences religieuses »[1]
et, en 1902, de la parution de L'Évangile
et l'Église de Loisy : La Crise moderniste hier et aujourd'hui, Le miracle dans la controverse moderniste ainsi que La crise contemporaine du modernisme à la crise des herméneutiques
Au milieu de la tourmente,
quelques grandes figures se détachent. Maurice Blondel, Alfred Loisy, Georges
Tyrrell, Henri Bremond ou encore celle du Père Lucien Laberthonnière
(1860-1932).
Oratorien, philosophe et
théologien, Laberthonnière fut soupçonné de modernisme et, en 1913, interdit
par la congrégation de l'Index de ne rien publier. Cette interdiction ne fut jamais rapportée et
Laberthonnière s’y conforma[2]
sans pour autant cesser d’écrire. Ses travaux, composés entre 1913 et 1932 ne
seront publiés qu’après sa mort et rencontrèrent, à l’époque, un assez fort
retentissement.
Les années passèrent et
Laberthonnière fut quelque peu oublié. C’est à Claude Tresmontant que l’on
doit, dès les années 1960, la redécouverte de l’oratorien. Juste après la
parution de sa thèse[3],
en 1961, Tresmontant décide d’éditer la correspondance de deux grandes figures
de la pensée chrétienne du début du XXe siècle : Maurice Blondel et
Lucien Laberthonnière. Il donne à ce volume de près de 400 pages une substantielle
introduction et l’annote soigneusement. Cinq ans plus tard il réédite Le réalisme chrétien de Laberthonnière
et y donne une préface où il se reconnait sa dette vis à vis du prêtre de
l’Oratoire. Souhaitons que les éditions du Seuil aient la bonne idée de
prochainement rééditer ces deux volumes.
En 1972, pour le quarantième
anniversaire de la mort du Père Laberthonnière, l'Oratoire de France publia un
ouvrage collectif intitulé Laberthonnière l'homme et l'œuvre. Introduction à sa pensée. Ce volume apporte nombres de
renseignements biographiques des plus précieux ainsi qu’une bibliographie
complète. De nombreuses études et témoignages ont également été recueillis
ainsi qu’une anthologie de textes de Laberthonnière lui-même.[4]
Viendront enfin les travaux de Marie-Thérèse
Perrin (1908-1989) qui, de 1975 à 1983, publiera trois livres importants
consacrés à Laberthonnière.
La jeunesse de Laberthonnière est un essai biographique qui éclaire
la première période de sa vie : dans quel milieu Laberthonnière a-t-il
évolué pendant son enfance et comment s'est dégagée sa vocation de philosophe
et de théologien ? Quelles furent les étapes de sa formation personnelle ?
Laberthonnière et ses amis ainsi que le Dossier Laberthonnière sont deux volumes de correspondances qui
couvrent les années 1896 (arrivée de l’Oratorien à Paris) à 1932 (date de sa
mort). On y trouve de nombreux échanges passionnants avec Maurice Blondel,
Henri Bremond ou encore Nicolas Berdiaev pour ne citer que les plus fameux des
interlocuteurs de Laberthonnière. L’ensemble se lit avec un intérêt constant et
non sans émouvoir tant il est vrai que, comme l’écrivait un critique au moment
de la parution du premier volume : « En ce qui concerne
Laberthonnière, ce livre éclaire surtout la grandeur morale de l'homme et du
chrétien qu'il fut. »[5]
[1] Emile
Poulat, « Modernisme » et « Intégrisme ». Du concept polémique à l'irénisme
critique. In: Archives des sciences sociales des religions. N. 27, 1969. p. 4.
[2]
Cependant, et comme indiqué dans le volume du Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine consacré aux sciences religieuses, « en 1915, il rédigea en secret, à la
demande de Mgr Chapon, évêque de Nice, une Lettre sur la doctrine de la guerre,
d’où sortira Pangermanisme et
christianisme. Il est pareillement l’auteur des Conférences de Notre-Dame (1925-1927) qui par la voix du P. Sanson
ont un retentissement considérable. »
[3] Claude
Tresmontant, La métaphysique du
christianisme et la naissance de la philosophie chrétienne, Éditions du
Seuil, 1961. Le sujet de cette thèse était d’analyser les réactions du
christianisme des quatre premiers siècles face aux philosophie étrangères et
principalement, la philosophie grecque. Tresmontant tendait alors à démontrer l’existence,
dès les premiers siècles, d’une véritable philosophie chrétienne. Laberthonnière
avait déjà avancé une thèse semblable dès 1905, avec la parution de son livre Le réalisme chrétien et l’idéalisme grecque.
[4] Notons
qu’en 1982, à l’occasion des 50 ans de la mort de Laberthonnière, un Colloque
Laberthonnière a été organisé par la Faculté de Philosophie de l'Institut
catholique de Paris et l'Oratoire de France. Ledit colloque a été publié dans
un N° spécial de la " Revue de l'Institut catholique de Paris ", oct-déc.
1983, sous le titre : La pensée du
P. Lucien Laberthonnière. Colloque philosophique organisé à l'occasion du 50e
anniversaire de sa mort. Faute d’avoir pu nous procurer l’ouvrage nous
renvoyons nos lecteurs à la recension qu’en fit René Virgoulay.
[5] Paul
Scolas, Laberthonnière et ses amis - L.
Birot - H. Bremond - L. Canet - É. Le Roy , Dossiers de correspondance
présentés par Marie-Thérèse Perrin (coll. Théologie historique , 33). 1975. In:
Revue théologique de Louvain, 7ᵉ année, fasc. 1, 1976. pp. 110-111
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