dimanche 28 février 2016
Ouvrage de référence : Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine
dimanche 21 février 2016
La crise du livre, d’hier à aujourd’hui
Le 14 octobre 1933, sollicité par
l’hebdomadaire Les Nouvelles littéraires,
Gabriel Beauchesne, fondateur des présentes éditions[1],
livrait quelques conseils afin de remédier à ce que l’on nommait déjà la crise
du livre. Des conseils qui, 82 ans plus tard, nous ont semblé suffisamment
actuels pour que nous ayons envi de les partager :
« À la quantité, sachons
substituer la qualité de nos productions: le bon livre se vendra toujours,
malgré l'auto et la T.S.F. ; d'autre part, de bons romans rapporteront plus à
leurs éditeurs que de ces pauvretés qui n'enrichissent personne.
Et puis, voyez-vous, laissons le
livre au libraire. Le libraire d'autrefois était presque un ami, le confident
des goûts littéraires, le chercheur d'œuvres artistiques dont le lecteur allait
solliciter la compétence de bon aloi. Si les éditeurs savent, contrairement à
ce que font certains, maintenir au libraire ce caractère strictement défini, au
lieu de mettre en vente des livres partout, ils auront moins de déchet dans
leur production, moins de frais généraux, et la confiance des honnêtes gens et
des esprits cultivés.
Si la critique aussi se montrait
plus régulièrement sévère, sans rudesse mais sans faiblesse, si le juge
littéraire ne vantait jamais de livres d'une qualité médiocre, oubliait le signataire
et ne songeait qu'à l'ouvrage présenté, le public se rangerait davantage à ses
avis, et l'éditeur comme le lecteur n'auraient qu'à se louer de voir
recommander les œuvres les plus dignes de l'être.
Enfin, si nous voulons rendre vie
à l'exportation, maintenons haut le prestige du livre français : ne
présentons que des œuvres littéraires d'une bonne tenue, et bannissons des
librairies étrangères, comme le conseil de censure du Cercle de la Librairie le
fait pour la publicité dans son bulletin périodique, les ouvrages grossiers qui
donnent de la France littéraire une idée dégradante, néfaste à notre crédit
dans le monde… »
[1]
Signalons encore que Gabriel Beauchesne fut également, durant les années 1930,
président du Cercle de la Librairie et du Syndicat des Éditeurs.
dimanche 14 février 2016
Grégoire de Nysse par Hans Urs von Balthasar
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Grégoire de Nysse vers 335 - 394 |
C’est au cours des années 1930 qu’Hans
Urs von Balthasar, l’un des grands théologiens catholiques du XXe siècle, se
familiarisa avec les Pères de l’Eglise. Il séjournait alors en France
afin d’y faire sa théologie au scolasticat de Fourvière. Tout comme ses
condisciples Jean Daniélou et Henri Bouillard, il fut initié à la patristique par Henri de Lubac, leur aîné, qui professait alors la théologie
fondamentale aux Facultés catholiques de Lyon.[0]
Dès lors, les Pères de l’Eglise vont
irriguer l’ensemble de l’œuvre de Balthasar[1].
Il consacra à trois d’entre eux un essai : Parole et mystère chez Origène, Liturgie cosmique; Maxime le Confesseur
et enfin, Pensée et présence, Essai sur la philosophe de Grégoire de Nysse.
Retour au Pères de l'Eglise
Voici la deuxième édition de ce livre
que Balthasar écrivit en français et qui fut publié chez Beauchesne en 1942. Le
manuscrit était chez l’éditeur dès 1939, mais la conjoncture difficile en retarda
la publication. Il existe dans les archives des éditions Beauchesne une lettre
de Jean Daniélou qui insiste auprès de l’éditeur pour que le livre paraisse au
plus vite. Et ce même Daniélou, quelque temps plus tard, de se féliciter dans sa
correspondance de la publication du volume : « Cela va coïncider
heureusement avec la Vie de Moïse
pour susciter un courant d’intérêt autour de Grégoire.[2] »
En effet, la même année paraissait aux éditions du Cerf le volume inaugural de la fameuse collection «
Sources Chrétiennes » fondée par de Lubac et Daniélou : La vie de Moïse de Grégoire de Nysse.
La traduction et l’édition du texte est réalisée par Jean Daniélou qui signe
également l’appareil critique du volume[3].
On peut donc parler d’un effort conjoint et concerté de ce que l’on a nommé
« l’école de Fourvière » afin de mener de front un « retour aux
Pères de l’Eglise[4] ».
Balthasar signale d’ailleurs l'introduction de son essai les
« travaux critiques, attendus avec impatience, du P. Jean Daniélou[5] ».
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Lettre de Balthasar issue des archives Beauchesne. © Editions Beauchesne. |
Présence et Pensée revêtait une grande importance pour Balthasar.
Il désirait voir cet essai réédité et s’apprêtait à apporter quelques révisions
à son texte lorsque la mort le surprit. C’est donc à son ami Jean-Robert Armogathe, alors maître de conférence à l’École pratique des Hautes Etudes et
animateur au côté de Balthasar de la revue Communio,
que Beauchesne s’adressa afin de compléter la bibliographie et de rédiger une
note préliminaire au présent volume. Cette note, particulièrement substantielle
restitue le travail de Balthasar dans son contexte et l’éclaire avec une grande pertinence.
Un texte décisif sur Grégoire de Nysse[7]
Cet essai, l’un des premiers à
paraître en langue française sur Grégoire de Nysse, fut particulièrement bien
accueilli dans les milieux universitaires. En témoigne cette note d’Henri-Irénée
Marrou qui enseigna l’histoire du Christianisme à la Sorbonne à partir de
1945 : « Balthasar est un grand écrivain - même en français comme le
montre sa thèse de théologie, Présence et Pensée : cette étude sur la philosophie religieuse de Grégoire de Nysse
n'est pas seulement un essai très profond sur celui-ci mais, par les citations
merveilleusement traduites qu'il contient, constitue un modèle et un défi pour
l'helléniste français.»[6]
Dans un tout autre registre,
c’est d’une manière inattendue que l’on trouve sous la plume du grand
cinéaste chilien Raoul Ruiz cette recommandation : « Le livre de
Grégoire de Nysse, Sur l’âme et la
résurrection, fait partie de ma bibliothèque parisienne. […] A ceux qui
s’intéressent à ce genre de perles, je me permets de conseiller avec
enthousiasme Présence et pensée, de
Hans Urs von Balthasar […], un essai charmant et charismatique sur la
philosophie de Grégoire. »[8]
G.M.
Pour en savoir plus,
il vous suffit de cliquer sur le livre ci-dessous:
![]() |
152 pages, 17 euros |
[0] Henri de Lubac apporte quelques précisions quant à la préparation de cet essai : « C’est alors que, pendant quinze jours de repos à Annecy au temps de Pâques, Balthasar lut intégralement l’œuvre de Grégoire de Nysse et composa le plan de l’ouvrage qui devait paraître plus tard chez Beauchesne, rédigé directement en français. » in Henri de Lubac, Mémoire sur l’occasion de mes écrits, éd. Culture et Vérité, Namur, 1989, p. 46.
[1] Balthasar traduisit en langue allemande de nombreux textes des Pères de l’Eglise, et fit paraître, dès 1939, la première traduction en langue allemande des quinze homélies consacrées par Grégoire de Nysse au Cantique des cantiques. Hans Urs von Balthasar, Gregor von Nyssa. Der versiegelte Quell. Auslegung des Hohen Liedes. Salzbourg-Leipzig, 1939.
[1] Balthasar traduisit en langue allemande de nombreux textes des Pères de l’Eglise, et fit paraître, dès 1939, la première traduction en langue allemande des quinze homélies consacrées par Grégoire de Nysse au Cantique des cantiques. Hans Urs von Balthasar, Gregor von Nyssa. Der versiegelte Quell. Auslegung des Hohen Liedes. Salzbourg-Leipzig, 1939.
[2] Jean
Daniélou, lettre du 13 janvier 1943, cité par Etienne Fouilloux in, La collection « Sources
Chrétiennes ». Editer les Pères de l’Eglise au XXe siècle, éd. Cerf,
1995, p. 11.
[3] Il
s’agissait là de la thèse complémentaire de Daniélou, exigée par les statuts de
l’Université. Sa thèse principale, Platonisme
et théologie mystique. Essai sur la doctrine spirituelle de Grégoire de Nysse fut
présentée comme thèse de doctorat en théologie à l’Institut Catholique et
reprise et soutenue en 1943 à la Sorbonne sous la direction d’Emile Bréhier
comme thèse de doctorat ès Lettres. Elle fut publiée en 1944 aux éditions
Aubier, dans la collection « Théologie » dont Henri Bouillard
assurait alors le secrétariat.
[4] A ce
sujet, on lira avec profit deux contributions, celle de Monique Alexandre et
celle de David Zordan, parus dans l’ouvrage collectif dirigé par Cristian
Badilita et Charles Kannengiesser, Les Pères de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui, éd. Beauchesne.
[5] Il s’agit
de la thèse principale de Jean Daniélou, Platonisme
et théologie mystique. Essai sur la doctrine spirituelle de Grégoire de Nysse. Présentée
comme thèse de doctorat en théologie à l’Institut Catholique et reprise et soutenue
en 1943 à la Sorbonne sous le patronage d’Emile Bréhier comme thèse de doctorat
ès Lettres. Elle fut publiée en 1944 aux éditions Aubier, dans la collection
« Théologie » dont Henri Bouillard assurait alors le secrétariat.
[6] Henri-Irénée Marrou. Urs von Balthasar (Hans). De l'intégration. Aspects d'une
théologie de l'Histoire. In: Revue belge
de philologie et d'histoire, tome 49, fasc. 2, 1971. Histoire (depuis
l'Antiquité) — Geschiedenis (sedert de Oudheid) p. 594.
[7] Mario
Saint-Pierre, « Hans Urs von Balthasar », in Penseurs et apôtres du XXe siècle, éd. Fides, Canada, p.46, 2001.
[8] Raoul
Ruiz, Poetica del cine, Editorial
Sudamericana Chilena, coll. Biblioteca Transversal, 2000, p. 187. Texte traduit
de l’espagnol par Boris Monneau et consultable en ligne à l’adresse
suivante : http://www.debordements.fr/spip.php?article412
vendredi 5 février 2016
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