Les éditions T.E.R., pour Trans-Europ-Repress, ont été fondées en 1981 à Mauvezin, dans le Gers, par Gérard Granel et, comme il aimait à le rappeler, quelques amis unis autour d’une connivence profonde de pensée[1].
Commençons donc par dire un mot de ce philosophe « dont le trait dominant
fut de n’abandonner ni la profondeur philosophique ni le corps à corps
technique avec le texte »[2].
Gérard Granel
Né à Paris en 1930, Gérard Granel
entre en hypokhâgne après ses cours de philosophie. Il y suit l’enseignement de
Michel Alexandre, puis celui de Jean Hyppolite en khâgne qui le plonge dans l’œuvre
d’Hegel. Ce sera enfin l’École Normale Supérieure où Merleau-Ponty lui fait
découvrir Husserl, et Jean Beaufret, Heidegger. Première rencontre capitale
avec un penseur qui ne l’est pas moins et que Granel ne cessera d’interroger
tout au long de son existence.
D’autres grands penseurs suivront bien sûr et
accompagneront son cheminement intellectuel, à commencer par Marx, puis Gramsci,
Wittgenstein et Lacan[3]. Agrégé
de philosophie et docteur ès lettres, Granel, après avoir occupé différents postes dans l’enseignement, obtient un poste à l'Université de Toulouse en 1972.
Enseignant tout autant passionné que passionnant, Granel n’en délaisse pas pour autant son œuvre de philosophe.
De 1968 à 1972, trois ouvrages philosophiques d’importance paraissent chez
Gallimard : Le sens du temps et de la perception chez E. Husserl, L'équivoque ontologique de la pensée kantienne, et enfin Traditionis traditio.
Et comme si cela n’était pas
suffisant à un seul homme, Granel œuvre pour le compte des mêmes éditions
Gallimard à la traduction d’Husserl, Heidegger et Gramsci. Il « dérive du
métier d’enseignant au métier de traducteur avec un plaisir extrême. Le travail
de traduction, précise-t-il, empêche toute superficialité de la lecture. L’esprit
d’une pensée est dans sa langue.»[4]
En 1981, Granel fonde les éditions Trans-Europ-Repress
qu’il dirigera jusqu’à sa disparition en 2000. Il y poursuivra son travail de
traduction en élargissant plus encore son registre. En plus de l’allemand
et de l’italien, Granel y traduira Hume et Wittgenstein de l’anglais, Giambattista
Vico du latin.
Gérard Granel discutant avec Martin Heidegger, lors du séminaire du Thor (1968) Photo : D.R. |
Trans-Europ-Repress
Laissons donc à son fondateur
le soin de présenter les éditions T.E.R. tel qu’il le fit en 1981 :
« C’est une association type 1901 […]. Nous serons contents si nous
publions entre 5 et 10 ouvrages par an, que nous composons, imprimons et
diffusons nous-mêmes. Cela veut dire : de nos mains, avec peu de moyens,
en prenant notre temps… »[5] Une
conception artisanale donc, mais un artisanat de combat puisque Granel prend
soin de préciser encore : « L’édition T.E.R., si elle est une "entreprise",
ne l’est pas au sens de l’industrie, mais au sens du projet et du
combat. »[6]
La maison se consacre
essentiellement au domaine de la philosophie et se fait une spécialité des
éditions bilingues d’ouvrages exigeants. Ajoutons à la liste des auteurs
précédemment cités, les noms de Walter Otto, Gottlob Frege, Giovanni Gentile,
Guillaume d’Ockham ou encore Ludwig Wittgenstein dont les éditions T.E.R.
proposent une vingtaine de titres et l’on sera convaincu de la réussite de
l’entreprise, toute à la fois modeste et considérable, de Granel. En tout, ce
sont près de 40 ouvrages essentiels qui ont ainsi été donnés à lire au public
français.
Disparu à la veille du
troisième millénaire, Gérard Granel, non content d’avoir marqué nombres
d’étudiants et de penseurs, laisse derrière lui une œuvre philosophique
importante ainsi qu’un travail éditorial considérable. Grâce lui soit
rendue !
Grégoire Mabille
Pour vous rendre sur le site des éditions Trans-Europ-Repress, il vous suffit de cliquer sur le livre ci-dessous :
Pour en savoir plus au sujet de Gérard Granel,vous pouvez vous rendre sur le site internet qui lui est dédié :
[1] C’est
précisément avec son épouse Elisabeth Rigal, philosophe spécialiste de l’œuvre de Wittgenstein, son ami Georges Mailhos et son ancienne
élève Annick Jaulin que Gérard Granel fonda les éditions Trans-Europ-Repress.
[2] Alain
Degange, Gérard Granel, in Dictionnaire des philosophes, éd.
P.U.F., vol.1, 1984, p. 1080.
[3] Pour
plus de détails sur l’itinéraire intellectuel de Gérard Granel, on se reportera
à : « Interview de Gérard Granel », in Dominique Janicaud, La réception de Heidegger en France,
tome II : Entretiens, Paris, Albin Michel, 2001, p. 172-179.
[4] Entretien
de Gérard Granel avec Alain Veinstein dans le cadre de l’émission A voix nue, diffusée sur France Culture
le 8 février 1996.
[5] Gérard
Granel, « Editer-Militer », in Libération,
15 janvier 1981.
[6] Gérard
Granel, « Trans-Europ-Repress », in La Quinzaine littéraire, 15 juin 1981.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire