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vendredi 19 juin 2015

Ouvrage de référence : Zibaldone de Leopardi

éditions Allia

Zibaldone ? Que se cache-t-il derrière ce titre énigmatique ? Un ouvrage monumental, difficilement définissable et dont la rédaction, qui s’étala de 1817 à 1832, fut l’œuvre d’un jeune homme qui avait moins de vingt-cinq ans lorsqu'il en écrivit l'essentiel.

Dans ce « cahier » Leopardi a accumulé remarques et pensées, souvenirs et réflexions sur des sujets divers, allant du plus trivial au plus subtil. Philosophie, philologie, observations morales ou réflexions sur l'esthétique, analyse littéraire, remarques politiques et historiques, ne sont là que quelques-uns des sujets sans cesse abordés par Leopardi. On serait donc tenté de croire, de prime abord, qu’il s’agit là d’une œuvre disparate. Il n’en est rien. Car c’est bien à l’éclosion puis au développement d’une pensée que l’on est convié tout au long des 2 400 pages que compte l’édition française.

Il existe bien évidemment quelques passages abrupts, tout particulièrement lorsque Leopardi exerce ses talents de philologue, mais ils ne gâtent en rien le plaisir de lecture qui court tout au long de ces pages.

Difficile à définir, le Zibaldone ressemble en cela à son auteur. Leopardi ! Poète, figure romantique disparu bien jeune à rapprocher de Byron, Shelley. Philosophe, pessimiste tourmenté, annonciateur de Schopenhauer et Nietzsche. Génie précoce, qui à 15 ans entreprend seul l’étude de l’Hébreu, commente Porphyre et se livre à ses premiers travaux de philologie, à la manière d’un Stuart Mill.

Peut-être est-ce pour cela que Leopardi eut, en France, moins d’audience que ses pairs ? 

Détail du manuscrit original.

« Leopardi n’a jamais été très lu en France. Tandis que Schopenhauer est arrivé à une sorte de popularité littéraire, Leopardi est demeuré, même pour les lettrés, dans la pénombre. Cela tient en grande partie à la médiocrité de ses traducteurs et de ses commentateurs.»[1]

110 ans après que Rémy de Gourmont eut rédigé ces quelques lignes, peut-on affirmer que la situation ait changé ? Du point de vue de la popularité de Leopardi, trop peu sans doute. Du point de vue de la qualité de ses traducteurs et commentateurs, absolument. Et cela, entre autres choses, grâce au travail des éditions Allia qui proposent au lecteur contemporain, de nombreuses traductions nouvelles de l’œuvre, dont le Zibaldone qui nous intéresse aujourd’hui.

« Croyez-vous qu’en envoyant à Paris un exemplaire de mes poésies et proses, avec beaucoup de corrections et d’ajouts inédits, ou bien un livre tout à fait inédit, on trouverait un libraire qui sans aucune compensation pécuniaire de ma part en ferait une édition à ses frais ? Je crois que non… »[2]

La première traduction intégrale de ce monstre de papier – quelque 4 500 pages minutieusement manuscrites, publiées de manière posthume à Florence en 1898 – a été brillamment menée par Bertrand Schefer en 2003. Pour son labeur il recevra, en plus de l’éternelle reconnaissance de quelques lecteurs, les prix Italiques et Laure-Bataillon de la meilleure œuvre traduite. [3] 

éditions Allia

Concluons cet article par une note d’ordre matériel. Ce livre a quelque chose de monolithique. Il est, comme toujours chez Allia, parfaitement façonné. Paré d’une ouverture rigide entoilée, cousu, imprimé sur un beau papier ivoire, l’objet donne envie, exhale tout à la fois la robustesse et le raffinement. Raffinement qui lui vient également de sa mise en page et typographie irréprochable. Ajoutons à cela, en guise de signature, deux signets carmin, forts utiles à l’usage d’un texte augmenté d’un solide appareil critique et de deux index, l’un nominal, l’autre thématique qui s’ajoutent aux index dressés par Leopardi lui-même.

G. M.


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éditions Allia







[1] Rémy de Gourmont, « Le pessimisme de Leopardi », in Promenades littéraires, Paris, Mercure de France, 1905, p. 45.
[2] Giacomo Leopardi, lettre à Louis De Sinner, le 22 décembre 1836, in Giacomo Leopardi, Correspondance générale, Paris, éditions Allia, 2007, p. 2 141.
[3] Au sujet de la traduction du Zibaldone, Ungaretti écrivait déjà à Paulhan en 1956 : "Je viendrai peut-être à Paris vers Pâques, pour porter le fameux Leopardi (le choix du Zibaldone) à Caillois. C'est pour la traduction que je suis très inquiet. Il ne faudrait tout de même pas qu'elle soit trop au-dessous d'un texte dont la langue est d'une perfection et d'une précision qu'on peut seulement égaler à Pascal." in Correspondance Jean Paulhan Giuseppe Ungaretti, 1921-1968, Gallimard, 1972, p. 492. 

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